Discriminations Racisme
Une lettre publique de Clémentine Autain, élue à Sevran.
Lettre publique
après le décès de plusieurs jeunes de Sevran
embrigadés par les terroristes de Daech
Les parents de Quentin Roy, l’un des jeunes Sevranais morts suite à un embrigadement djihadiste, ont rendu publique une lettre interpellant le maire de Sevran et l’ensemble des maires de France.
Il faut entendre la détresse de ces familles. Elles ont perdu deux fois leur fils : une première fois quand une secte djihadiste a réussi à les couper de leur famille, une seconde fois en apprenant leur mort en Syrie ou en Irak pour une cause totalitaire, destructrice, contraire en tout à l’éducation et l’amour que les parents ont voulu transmettre à leurs enfants.
Ma première réaction est la compassion pour ces familles endeuillées et celles qui ont vu partir leur enfant vers la mort. Lors du dernier conseil municipal, notre groupe d'éluEs a renouvelé ses condoléances à la famille et demandé une première mesure simple : relayer dans les médias et lieux d'accueil de la ville la campagne “Stop-djihadisme” lancée par les pouvoirs publics depuis un an. Il faut poursuivre et amplifier l’action des pouvoirs publics.
Ma seconde pensée va aux familles sevranaises. Je sais combien nombre d'entre elles vivent dans l’angoisse à l'idée que cela puisse arriver à l'un de leurs enfants. Nous sommes toutes et tous concernés : aujourd'hui n'importe quelle famille qu'elle soit musulmane, juive, chrétienne, athée peut être atteinte. Nous faisons face à une secte et non à une simple pratique religieuse ou recherche spirituelle. Les recruteurs d'une secte prétendent détenir la vérité et ne reculent devant aucun moyen pour imposer leur projet. Pour cela, ils disposent de beaucoup d'argent acquis illégalement. Comme pour toutes les sectes, leurs adeptes sont d'abord des victimes qu'il faut protéger. Parallèlement, aucune complaisance n'est acceptable en direction des recruteurs qui fournissent de la chair à canon aux terroristes. Nous devons dans le même temps combattre toutes les formes de rejet des musulmans, d’amalgames entre Islam et terrorisme.
Enfin, je veux porter ici quelques propositions et convictions :
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Il me paraît urgent d'ouvrir un lieu d'écoute et de secours pour ces familles, en liaison avec les pouvoirs publics. Pour prévenir l’embrigadement, les familles et les proches des jeunes susceptibles de basculer doivent pouvoir rencontrer facilement des personnes formées pour répondre aux questions qu’ils se posent, les accompagner, savoir comment réagir au mieux pour tenter d’empêcher le basculement vers le djihadisme. La mairie de Sevran doit impulser la mise en place de ce dispositif d’accompagnement.
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Des discours repris avec une complaisance morbide présentent Sevran comme un lieu de perdition. Après une longue série de traitements négatifs de notre commune publiquement associée au trafic de drogue et à la pauvreté, Sevran est aujourd’hui décrite comme un territoire aux mains d'extrémistes religieux, voire une porte d'entrée pour le Djihad. Oui, il existe des foyers de radicalisation à Sevran qu’il est urgent démanteler mais notre ville ne peut être réduite à ce phénomène, aussi dangereux soit-il.
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En tant qu'élue de Sevran, je demande que la police dispose des moyens de mener une action de renseignement et d'action sur le terrain pour mettre hors d'état de nuire les recruteurs sectaires et djihadistes et prévenir de nouveaux attentats. Cette action de la police doit aussi permettre de prévenir les trafics en tout genre : je renouvelle notre exigence d'un commissariat de plein exercice à Sevran, un commissariat ouvert 24 heures sur 24, aux effectifs et aux moyens techniques renforcés sur le terrain. Nous n’avons pas besoin de l’état d’urgence permanent mais de justice et d’égalité. Nous n’avons pas besoin que soient surveillées toutes nos libertés mais que les réseaux d’embrigadement soient démantelés par les services de renseignements spécialisés.
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Par ailleurs, respecter la liberté de pensée de chacun, celle de croire ou de ne pas croire, tout comme la laïcité doivent être plus que jamais la règle de conduite de tous les élus et des agents de l’ensemble des services publics. La transparence des informations disponibles est également nécessaire ; c'est le meilleur moyen de mettre fin aux accusations sans preuve et aux rumeurs invérifiables.
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De leur côté, les associations – et à Sevran, leur dynamisme est une richesse – jouent un rôle décisif. Nous renouvelons notre demande d'une charte communale conçue entre la ville et les associations subventionnées qui nous engagent mutuellement dans la promotion des valeurs d'égalité et de justice, de tolérance et de laïcité.
C'est notre rassemblement et notre solidarité qui isoleront les semeurs de haine et de mort. Ensemble, nous avons le devoir de protéger la jeunesse de l’embrigadement djihadiste et de permettre à chaque jeune de pouvoir se projeter dans l’avenir, de trouver sa place dans notre société.
Clémentine Autain, le jeudi 10 mars 2016